France, Espagne, Andorre, trois pays trois systèmes et de nombreuses exceptions

Si l’unité géographique du massif pyrénéen ne fait aucun doute, il n’en est pas de même pour l’organisation politico-administrative. Au nord, une république, la France, au sud l’Espagne et son régime de monarchie constitutionnelle. On oublie souvent l’Andorre. Perdu dans les montagnes, c’est pourtant un état à part entière et non-européen. Il est conjointement administré par deux coprovinces.
De nombreuses et surprenantes singularités existent en plus de ces trois entités.

Côté Français, départements et régions constituent le découpage administratif bien connu de tous

Jusqu’à la fin de l’Ancien régime, existait un imbroglio et un empilement de circonscriptions administratives ecclésiastiques, judiciaires, fiscales, où il était quasiment impossible de se retrouver.
Un premier projet de réforme prévoyait de découper la France en carrés de 18 lieues de côté ; un autre,  de créer une région Pyrénées.
Le 4 mars 1790 , l’Assemblée nationale découpe l’hexagone en 83 départements.
En 1812, Napoléon annexe la Catalogne et taille dedans 4 départements nouveaux dont les chefs-lieux sont Lérida, Barcelone, Puigcerdá et Gérone.
En 1982, les Lois Defferre instituent les régions. Les Pyrénées françaises sont démembrées et distribuées aux 3 régions : Aquitaine, Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon. L’unité pyrénéenne est brisée. Chaque « morceau » suivra désormais des chemins différents, bien que quelques organismes soient chargés de coordonner des « actions chaînes ».
En France, malgré la régionalisation, l’état jacobin demeure fortement présent et le partage des compétences entre état, régions et départements reste peu lisible pour des non-initiés.

Côté Espagnol, le découpage politico-administratif s’articule autour de régions autonomes, elle-même subdivisées en provinces.

Lorsque Franco meurt le 20 novembre 1975, Juan Carlos Alfonso Víctor María de Borbón y Borbón-Dos Sicilias, accède au trône 2 jours plus tard sous le titre de Juan Carlos 1° Roi d’Espagne. Il est le petit-fils d’Alphonse XIII, qui a fui en 1931 sans abdiquer.
Le nouveau roi ouvrira rapidement une période de transition démocratique qui aboutira à la création 17 régions autonomes. Elles jouissent des pouvoirs les plus étendus en matière législative, de fiscalité, d’aménagement, d’urbanisme et d’exécutif. Le choix de langue officielle est également une de leurs prérogatives.

Trois régions autonomes plus une, intéressent les Pyrénées

Le Pays basque avec ses 3 provinces

L’Alava (Vitoria), le Guipúzcoa (San Sébastien) et la Biscaye (Bilbao). L’euskara batua (basque unifié) est parlé dans les 3 provinces et une partie de la Navarre.

L’Aragon

Composé de 3 provinces : Huesca, Saragosse et Téruel. Seule Huesca concerne les Pyrénées. L’aragonais a fortement régressé et n’est plus parlé que dans quelques vallées pyrénéennes.

La Catalogne

Comprend les provinces de Barcelone, Gérone, Lérida et Tarragone. À l’intérieur de la Catalogne on  parle catalan. Le Val d’Aran jouit d’un statut de semi autonomie fondé sur une reconnaissance historique. L’aranais proche de l’occitan est langue officielle.

La communauté florale de Navarre

Capitale Pampelune. La Navarre a refusé de se joindre aux trois provinces basques voisines et s’est constituée seule en communauté autonome. Elle justifie sa position par un ancien droit foral hérité du Moyen Âge ,lui procurant des avantages auxquels elle ne veut pas renoncer. L’adjectif « foral » vient de l’espagnol fuero signifiant « privilège, coutume ».

L’andorre

L’Andorre est un micro-état non-européen qui selon la légende aurait été créé par Charlemagne pour récompenser cette modeste vallée de son combat contre les maures.
L’hymne national « el grand carlemany » commence d’ailleurs par ce vers « Le grand Charlemagne, mon père, des Arabes me délivra ». Il faut fouiller l’histoire pour trouver l’origine de l’Andorre.
Après quelques siècles de bagarre pour la souveraineté de la vallée, un contrat de « paréage » est signé en 1288. Cet accord directement issu du droit féodal assure une égalité de droit et de possession du conte de Foix et l’évêque de Seu-d’Urgel qui prennent le titre de coprinces.
À la Révolution française le titre passera entre les mains du Président de la République.
En 1419 est créé le « Conseil de la terre » considéré comme le plus ancien Parlement européen.
En 1934, un aventurier Letton réussit à se faire nommer roi d’Andorre sur le titre de Boris 1°. Il le restera 8 jours.
En 1993 l’Andorre se dote d’une constitution et est dirigée par un Cap de Govern (chef du gouvernement)
La principauté est subdivisée en 7 paroisses administrées par un Comu assimilable au maire et un consell de Comu élu au suffrage universel.

Cette simplicité apparente cache de nombreuses singularités.

Le traité des Pyrénées signé sous Louis XIV, qui fixe la frontière franco-espagnole sur la ligne de partage des eaux, souffre de quelques exceptions à cette règle.

Le Condominium de l’île des faisans

Entre Hendaye et Fontarabie coule la Bidassoa, petit fleuve côtier d’une dizaine de kilomètres. Au beau milieu, l’Ile des faisans est le plus petit condominium d’Europe. En droit international, il s’agit d’un territoire sur lequel deux états exercent une souveraineté alternée de six mois chacun. Un Vice roi représente la France. Le plus connu d’entre eux n’était autre que l’écrivain Julien Viaud alias Pierre Loti, amiral de la marine à ses heures perdues.
C’est sur ce terrain neutre qu’a été négocié le Traité des Pyrénées signé le 7 novembre 1659.

Le Kintoa (Pays Quint)

Au Pays Basque, près de Saint Etienne de Baigorri, se trouve le Kintoa, petit territoire au statut hybride, appartenant à l’Espagne mais dont la France a la jouissance indivise sur la partie Nord.
C’est ainsi que huit familles françaises habitent en terre espagnole. Elles paient leurs impôts fonciers en Espagne, mais la taxe d’habitation en France, envoient leurs enfants à l’école française et bénéficient des allocations françaises. La poste française distribue le courrier et ERDF l’électricité. La Guardia Civil assure la sécurité.

L’enclave de Llivia dans les Pyrénées orientales

La singularité de ce bout d’Espagne de 12 Km2 enclavé en territoire français est à rechercher dans l’histoire lointaine. Il faut remonter en 1660 lors de la signature du traité de Llivia qui était censé régler le problème de la Cerdagne. Son sort avait été laissé en suspend par le traité des Pyrénées. Il prévoit de rattacher à la France 33 villages de Cerdagne. Llivia, considérée comme une ville est écartée de l’accord et reste espagnole. Une route internationale permet de la relier à sa mère patrie. Le passage ne pouvant être entravé d’aucune manière, un pont est construit pour éviter de croiser la route française Andorre Bourg Madame.
Entre autres choses rigolotes, on trouve à Llivia la plus ancienne pharmacie d’Europe datant du XVe°siècle.

Les traités de « lies et passeries »

Francisation de l’occitan ligas (lier) et patzerias (paix), les traités de « lies et passeries », sont toujours en vigueur dans les Pyrénées. Ils désignent les conventions conclues de temps immémorial, entre les habitants de vallées françaises et espagnoles pour conserver au-delà des conflits, l’usage des pâturages ainsi que de la libre circulation des biens et des personnes.
Ces passe-droits ont été accordées, selon la légende, en récompense de l’effort de guerre consenti par les populations contre les Sarrasins. Plus certainement vers l’an 1000.
Le serment du plan d’Arrem signé le 22 avril 1513 sur les bords de la Garonne à Fos (31), renouvelle solennellement les traités de « lies et passeries » dans toutes les Pyrénées centrales. Il a été ressorti lors de la guerre d’Espagne pour permettre aux républicains de passer en France.
La Querimona est un ensemble de privilèges concédés au Val d’Aran, en 1313, en confirmation d’usages anciens. De fait, le Val d’Aran constitue aujourd’hui encore un territoire à statut particulier, qui tout en étant intégré à la Catalogne, conserve sa langue et ses institutions propres.

Les commissions syndicales des montagnes Pyrénéennes

Elles sont emblématiques des formes d’organisation sociale, propres aux populations pyrénéennes du Pays Basque à l’Ariège. Elles sont les héritières des anciennes institutions coutumières. Louis-Philippe les officialise le 18 juillet 1837.
Les Commissions Syndicales gèrent les biens indivis (pâturages, forêt, sources thermales, station de ski, etc). Elles sont étonnantes par l’originalité de leurs pratiques. Les énormes ressources de la commission syndicale du Haut Ossau sont réparties selon des modalités datant du XV° siècle.

Par Gérard Caubet

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