« Le Chamonix des Pyrénées », c’est ainsi que le Guide Joanne décrivait Gavarnie dans son édition de 1885. Tout oppose et tout rassemble ces deux hauts lieux de l’alpinisme d’une part et du pyrénéisme de l’autre.
Ramond de Cabonnières fut le premier à faire un parallèle en prophétisant « Du Mont Blanc, il faut venir au Mont Perdu : quand on a vu la première des montagnes granitiques, il reste à voir la première des montagnes calcaires ». Comme à Chamonix, les conquêtes de sommets ont fabriqué des héros et la venue de touristes marcheurs a suscité des vocations de guides.

Un passionné de botanique découvre le Mont Perdu

Autant le nom de Jacques Balmat restera attaché à la succès- story du Mont Blanc,  autant celui de Ramond de Carbonnières marquera celle du Mont Perdu.
Louis François Marie de son prénom est avocat et fin lettré. Passionné de botanique, il est pris d’une véritable obsession pour le Mont Perdu qu’il découvre depuis le Pic du midi de Bigorre lors d’un premier voyage dans les Pyrénées. Député de Paris sous la révolution, il anticipe un probable rendez-vous avec la guillotine et part se mettre au vert à Tarbes où il est emprisonné.
Il semblerait que sa première ascension du Mont Perdu, n’en soit pas une. Ses guides Rondo et Laurens partis en reconnaissance auraient foulé le sommet, quatre jours avant leur illustre client, le 10 août 1802. Esprit éclectique, il herborise, s’interroge sur la création des montagnes, et écrit beaucoup dans ses carnets. En 1806 il est promu Préfet du Puy de Dôme. Peu assidu à sa fonction, il entreprend une mesure systématique des Monts d’Auvergne, lui valant le surnom de « préfet baromètre ». Deux sommets lui seront dédiés, le Soum de Ramond et le Ramougn, ainsi qu’une fleur la « Ramondie des Pyrénées ».

De célèbres figures pyrénéennes

Autre temps autre mœurs, Henry Brulle, en 1879, ouvre la voie du pyrénéisme de difficulté. Cette nouvelle vogue assurera la célébrité de deux guides du cru : Henri et Célestin Passet.

Les services d’Henri (1845-1920) sont réclamés par tous les grands pyrénéistes du moment. Beraldi dira de lui : « il se sent touriste et se conduit lui-même à la découverte ». Belle leçon de professionnalisme. Un de ses faits d’armes est l’ascension du couloir Swann. Bien visible de Gavarnie, cette diagonale enneigée barre les Astazous par le milieu. Sa seule vision obsède Brulle qui y voit là une « provocation perpétuelle ». Le Swann tombera le 16 septembre 1885.
On dit de Célestin (1845-1917) qu’il est plus guide par passion que par intérêt. Son palmarès affiche 80 premières. La première du Couloir de Gaube, le 6 août 1889, sera son exploit le plus fameux. Il l’affronte avec un matériel rudimentaire. Pas moins de 1300 marches taillées dans la glace vive seront nécessaires pour en venir à bout. Ce travail de titan sera fait avec « Fleur de Gaube », le piolet désormais historique prêté par Brulle. L’ascension ne sera jamais répétée de son vivant. Il disait plaisamment : « J’ai gardé la clé ». Ses clients disaient de lui : agile comme un chat, du flair dans le péril, un cœur sensible aux grandes émotions, grande réserve méditative, etc., Deux fois foudroyé par l’orage, lui qui aura toute sa vie tutoyé la mort et le danger, meurt paralysé dans son lit. Tout simplement.

Le cimetière de Gavarnie est aux pyrénéistes ce que le panthéon est aux grands hommes de la patrie. De nombreuses figures pyrénéennes l’ont choisi pour dernière adresse :  Henri et Célestin Passet et son compagnon de cordée François Bernat Salles, l’infatigable marcheur Georges Ledormeur , l’abbé Ludovic Gaurier, Jean Arlaud et plus prés de nous Georges Adagas, pour n’en citer que quelques uns.

Gavarnie, le « colosseum de la nature »

Avec les romantiques, la popularité de Gavarnie s’installe durablement dans les esprits. On est au  XIX° siècle. La science est en pleine effervescence, la mode est au romantisme et à l’étalage des états d’âmes. On se presse à Gavarnie dont la seule vision  remue le trouble intérieur le for intérieur et agite les émotions. Durant l’été 1843, un énigmatique Mr Michel est en visite dans les Pyrénées. Derrière ce sobriquet se cache Victor Hugo. Si officiellement, il est venu ici « boire du soufre », il est en fait en goguette avec sa maîtresse du moment, la comédienne Juliette Drouet. Sur le chemin de Gavarnie, son cheval ayant deviné en lui un homme d’émotions, lui en donne pour son argent en longeant les précipices.  La vue du cirque est pour lui un éblouissement. Elle lui inspire des vers sublimes et il en parlera  comme « l’architecture la plus mystérieuse, du plus mystérieux des architectes, le colosseum de la nature ».

Le rendez-vous des glaciéristes

Les années 80 feront de Gavarnie le rendez vous international des glaciéristes, grimpeurs d’un genre nouveau. Dés le mois de décembre, les habituels ruissellements se figent en glace et tombent en cascade. Chacune à un nom et une histoire à raconter. Quand les « glaçons » sont en condition, d’étranges bruits métalliques résonnent entre les parois. Armés de piolets courts, de crampons acérés, d’étranges silhouettes bigarrées s’affairent sur la glace comme des mouches sur une vitre. La pratique n’est pas exempte de danger car les draperies gelées ne sont pas toujours solidaires du rocher et ne demandent qu’à s’en détacher. Avec ses 400 m de verticalité, la grande cascade, baptisée « overdose » attise toutes les convoitises. Malheureusement, elle est rarement idéale (il y a une répétition de condition). Pour les amateurs du plancher des vaches, le spectacle du cirque en livrée d’hiver vaut vraiment le détour.

Avec le recul du temps, Gavarnie mérite t-il toujours l’appellation de « Chamonix des Pyrénées » ? Oui et non. Oui car tout montagnard qui se respecte doit venir au moins une fois traîner ses guêtres à Gavarnie. Non du point de vue éthique car les choix locaux de développements se sont portés vers la clientèle lourdaise et le tourisme en autobus sans lien avec la pratique de la montagne. Fort heureusement, ces deux clientèles se côtoient sans se mélanger. L’une fréquente le chemin du cirque de Gavarnie et se contente d’admirer d’en bas, l’autre arpente l’étage au-dessus par une sublime randonnée. La Balaguère propose d’ailleurs un superbe itinéraire à pied qui va de Gavarnie à Ordesa par des petits sentiers préservés.

Par Gérard Caubet

Sur ce site Web, nous utilisons des outils propriétaires ou tiers qui stockent de petits fichiers (cookies) sur votre appareil. 

Vous avez le droit de choisir d’activer ou non les cookies statistiques et de suivi. En activant ces cookies, vous nous aidez à vous offrir une meilleure expérience.