Chaque année, le 13 juillet, le col de la Pierre-Saint-Martin voit se dérouler la Junta de Roncal.
C’est le plus vieux traité européen. Il est aussi appelé « le tribut des trois vaches ». Son origine remonte à l’époque de Gaston Febus. Il est probable qu’il se soit superposé à des accords plus anciens oubliés par l’histoire.
À cette époque, la frontière franco-espagnole n’avait pas encore droit de cité. Les vallées pyrénéennes constituaient des mini-états quasi indépendants. Elles étaient liées entre eux par des traités dits de « lies et passeries ». Les vallées de Roncal, en Espagne et de Barétous en France, n’échappaient pas à la règle.
En 1373, un conflit éclate entre deux bergers à propos de l’usage de l’unique source du coin.
Elle est située au pied du pic d’Arlas, au beau milieu des Arres d’Anie. Ici l’eau est denrée rare. Sans elle toute vie est impossible dans cet univers minéral.
Une rixe éclate entre deux bergers. Elle tourne à l’avantage du roncalais. Le barétounais est proprement occis.
En représailles, les Français de la vallée de Barétous montent une expédition punitive. La femme du meurtrier en fait les frais. Elle est tuée ainsi que l’enfant qu’elle portait
Un engrenage fatal s’enclenche alors.
Le conflit dégénère en tueries multiples et variées.
De vengeance en vengeance, plus de 300 morts sont laissés sur le tapis en même pas deux ans.
Les autorités de tutelle de l’époque s’en émeuvent et entament des négociations.
Elles aboutiront à la signature d’une sentence arbitrale dite « Compromis d’Anso ». C’est le prélude à la Junta de Roncal.
Selon les termes de cet accord, les barétounais (France) sont condamnées d’offrir à leurs homologues roncalais (Espagne), « trois vaches sans défaut et d’égal cornage ». En contrepartie, les Français conservent le droit de faire paître leur bétail côté espagnol pendant 28 jours à compter du 10 juillet de chaque année.
Les guerres, l’ouverture des frontières avec l’Europe n’y mettront pas fin.
Elle est confirmée par le traité de Bayonne en 1856 sous le règne impérial de Napoléon III.
La Junta de Roncal est renouvelée chaque année au col de la Pierre-Saint-Martin devant la borne frontière 262 par les édiles locaux des deux côtés de la frontière. Le rituel est immuable.
Les maires barétounais portant béret et ceint de leur écharpe tricolore rencontrent au col leurs homologues roncalais en grand apparat traditionnel.
À midi pétantes », devant la borne, l’alcade d’Isaba, demande par trois fois aux Français s’ils sont disposés à donner trois génisses sans défaut, de même pelage et cornage à choisir sur un sur un lot de quinze.
Les Français donnent leur accord.
Les vaches trois vaches choisies changent alors de main et traversent la frontière pour un voyage sans retour.
Les édiles posent alors les mains sur la borne et prononcent le serment rituel « patz aban » (paix avant tout).
La fête peut commencer.
Par Gérard Caubet
Rétroliens/Pings