Le canyonisme : une activité à part entière

Le canyonisme est devenu en quelques années une activité à part entière distincte de la randonnée et de l’escalade.
Hautement ludique par nature, le canyoning consiste à parcourir à pied, à la nage ou au moyen de cordes le fond de rivières si possible encaissées.
Le canyoning est né en Sierra de Guara et la Balaguère, pionnière en la matière, a largement contribué à son fulgurant développement.

La saga du canyoning est à lire dans « Etonnantes Pyrénées » par Gérard Caubet (Co-édition La Balaguère et Rando éditions).

Avant 1975, le massif de Guara était « terra incognita ».

Ce modeste soubresaut géologique des Pyrénées possède pourtant tous les attraits de la séduction. Le dépaysement est total à quelques encablures seulement des Pyrénées. Les senteurs de thym, le chant des cigales dans les oliviers transporte le visiteur dans une ambiance à la Giono.
Les profonds canyons qui traversent le massif de part en part en font son originalité. On vient principalement en Sierra pour randonner à la nage. C’est ici que quelques précurseurs ont jeté les bases d’une activité nouvelle connue en France sous le nom de canyoning ou canyonisme comme il vous plaira. Depuis, son succès va grandissant.

Alors qu’au XIX siècle, la vogue des Pyrénées bat son plein, il faut attendre 1871 pour que quelques pyrénéistes à l’âme d’explorateurs commencent à s’intéresser à la Sierra de Guara. Alphonse Lequeutre, le conte Aymard d’Arlot de Saint Saud et les frères Tissandier (Gaston et Albert) poussent leurs investigations vers les montagnes bleutées dont ils devinent l’existence depuis la brèche de Roland. À l’époque, le Guide Joanne, ancêtre du Guide bleu, décrit le voyage de Gavarnie à Rodellar en 3 jours de marche.

Mais le véritable inventeur de la Sierra de Guara sera Lucien Briet.

L’homme était en France un quasi inconnu. S’il s’intéresse à l’Aragon, c’est qu’à ses yeux, les Pyrénées françaises sont tellement courues qu’elles ne méritent plus le moindre intérêt. Au cours de ses campagnes de 1907 et 1908, il découvrira le Mascun, le Véro. Ses écrits et ses photos sont une mine de témoignages. Dans une sorte de vision prémonitoire, il dira : « Je ne crains pas d’affirmer que les gorges du Rio Véro, parmi les curiosités et les merveilles des Pyrénées, auront leur valeur, dès que le haut Aragon, pourvu de routes et de chemins de fer, deviendra accessible à tous. » Sauf pour le train, l’avenir lui donnera raison.

Après Lucien Briet, la Sierra connaîtra un demi-siècle d’oubli.

Elle reprendra vie sous les pas de Pierre Minvielle et de quelques-uns de ses amis. Ils remonteront les canyons à l’aide de mâts et d’échelles souples utilisés en spéléo pour franchir les cascades. Le Guide Minvielle aux envolées lyriques sera pendant longtemps le seul ouvrage de référence. « Les cent plus belles courses » de Patrice de Bellefon, propulsera véritablement le Rio Véro au pinacle de la notoriété. Christian Abadie sera un contributeur discret de l’histoire « guaresque ». Ce grand arpenteur de canyon s’établit à Rodellar dans les années 60 et parcourt la Sierra dans ses moindres recoins. Ses riches écrits sont publiés dans le cercle très fermé de la Société Ramond.

Les villages abandonnés sont l’autre attrait du massif.

Une étrange atmosphère de civilisation perdue plane entre les maisons de pierre aux toits de lauze. Après la guerre d’Espagne, l’exode rural a frappé irréversiblement les hauts plateaux. Félix Mayral, le dernier habitant d’Otin meurt en 1976. Les villages sont aujourd’hui livrés aux ronces. Sans les photos de Briet, les écrits d’Abadie et de Minvielle, il ne resterait rien de cette époque.

Le tournant des années 80 marque réellement l’invention du canyonisme.

Il est le fait de quelques accompagnateurs en montagne en recherche de destinations nouvelles. Le succès des séjours en Sierra de Guara sera le meilleur vecteur promotionnel du canyonisme.
Une bonne dose d’inconscience était nécessaire pour oser s’aventurer dans les canyons sans carte, sans infos et dans le plus simple appareil. Ces pionniers ont tout inventé au fil des expériences heureuses et malheureuses. Le système D supplantait aux pénuries de matériel. Les moins doués en talents natatoires s’entassaient dans des canots Fina gagnés en bons d’essence dans les stations services. Il n’était pas rare de sentir sur sa cuisse le frôlement peu sensuel d’une couleuvre vipérine. La traversée de toiles d’araignées « grosses comme le doigt » était la preuve incontestée d’une première.

La sierra ne se donnait pas au premier venu, elle se méritait.

Une journée d’estafette poussive était nécessaire pour rallier Rodellar au départ de Pau. Les routes incertaines et parsemées de nids-de-poule ignoraient la ligne droite. Une piste défoncée impraticable l’hiver défendait l’accès à Rodellar. L’auberge Florentino était l’incontournable point de ralliement. Si ses murs pouvaient parler, ils raconteraient les soirées copieusement arrosées où le monde se refaisait à grands coups de « porrons » et de lampées d’anisette. Les mules logeaient dans une écurie attenante derrière le bar. Il n’était pas rare qu’il faille se pousser pour les laisser passer. Pour le reste, il ne fallait pas rechigner à dormir sur la paille ou à la belle étoile.

Depuis, les choses ont bien changé.

Le canyoning est devenu une activité à part entière, avec ses diplômes, ses pratiques, ses codes, ses héros et ses experts. L’usage du néoprène interdit toute caresse du soleil sur la peau nue. Le canyoniste moderne s’annonce de loin par le cliquetis des mousquetons qu’il porte à la ceinture. Les couleuvres vipérines ont déserté les lieux sous l’effet du dérangement. Campings, hôtels et chambres d’hôtes accueillent les visiteurs dans le pur respect des normes européennes. La création du Parc Naturel est venue réglementer tout ce qui pouvait l’être.

Aujourd’hui, le canyoning s’est exporté au-delà des frontières de la Sierra.
Toutes les « pissotières » de France et de Navarre sont prétexte à en faire.
Mais nulle part ailleurs qu’en Guara n’ existe une telle conjonction d’éléments favorables.
La sierra restera toujours la sierra (de guara). Les quelques nostalgiques rescapés de l’époque héroïque vous le diront. Ils sont reconnaissables à leurs cheveux gris et se rassemblent parfois le soir chez Florentino pour évoquer l’œil humide, leurs souvenirs d’anciens combattants.

Découvrez les séjours de La Balaguère dans la Sierra de Guara, en randonnée ou en canyoning.

Par Gérard Caubet

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