Pour prononcer à l’Espagnole, rouler le R et dire « yar » en lieu et place de « llar ».
La « Cuenca de Rodellar » telle qu’elle apparaît depuis les hauteurs de barranco Fondo est une dépression enchâssée dans les montagnes.
Le Rio Alcanadre la traverse de part en part.
Tels des caméléons, Rodellar et ses hameaux satellites de Cheto, Pedruel, Las Almunias et San Saturnino, se confondent dans le paysage.
Avant, quand on y venait à pied, pas moins de trois jours étaient nécessaires depuis Gavarnie pour rejoindre Rodellar.
De nombreux pyrénéistes de la grande époque ont fait le voyage. Lequeutre en 1871, Saint Saud en 1880 et l’incontournable Lucien Briet en 1904.
La route suivie était à peu prés identique.
De Gavarnie à Torla par le col de Boucharo, puis descente du Rio Ara jusqu’à Fiscal et Janovas. De là, Meson de Fuebla, Otin et Rodellar.
C’était la route du vin. Celui de Morano était particulièrement réputé.
À l’époque, Rodellar grouillait de vie. Comme tous les villages de la Sierra de Guara.
Vous pouvez d’ailleurs découvrir les plus beaux villages de la Sierra de Guara parmi lesquels Rodellar, dans de nombreuses randonnées que propose La Balaguère.
À la saison des olives, là-bas, le vieux pressoir tournait plein régime. On peut encore le voir au quartier de la Honguera. Le « molinero » était payé en nature. Une part sur la récolte ou en « fanega », soit 18,5 Kg de blé. C’était avant l’euro.
Rodellar possédait aussi une forge. Le travail de buis faisait également vivre de nombreux habitants. Cuillères, manches de parapluie, boutons, quilles et autres objets occupaient les familles pendant les longues soirées d’hiver.
Il y avait même des cours de couture pour les jeunes filles « bonnes à marier ».
La fabrication du charbon de bois était une activité économique de premier ordre.
La toponymie locale regorge de lieux évoquant les « Carboneros ».
Quelques accidents de parcours ont émaillé la vie de Rodellar.
La grippe de 1908 à fait une centaine de morts. Après la guerre civile, la Sierra de Guara s’est peu à peu vidée de ses habitants.
L’école a fermé en 1969.
Dans le tournant des années 80, le village ne comptait plus que trois familles. Dans les années 1900 Lucien Briet parlait de 250 habitants et de quarante maisons.
Puis l’engouement du canyoning est arrivé.
L’activité économique s’est peu à peu recentrée autour de cette nouvelle activité, d’ailleurs née ici.
La route est arrivée, d’abord une piste, puis le goudron et l’électricité.
Aujourd’hui, Rodellar est à 3 heures de la France au lieu des 3 jours nécessaires à l’époque de Lucien Briet.
La touristification débridée a épargné ce coin de Sierra de Guara. Le terme de tourisme raisonné employé par les technocrates s’emploie parfaitement.
Ici point d’hôtel à foison, ni d’enseignes clinquantes.
Juste quelques auberges et chambres d’hôtes, deux camping.
En comparaison de la flamboyante Alquezar, Rodellar fait figure de bourg rural assoupi.
Il n’a pas été sous la pissette des subventions européennes, tout juste quelques gouttes échappées du pantalon.
Cet article a été écrit par Gérard Caubet.