Perchés sur leur promontoire les ermitages de Tella surveillent le Mont Perdu tels des sentinelles de pierres figées pour l’éternité.
Le Mont perdu ou plutôt las « Tres Sorores » comme on l’appelle en Aragon, donne à voir depuis Tella son versant oriental.
Il s’offre à la vue des randonneurs dans l’enfilade verdoyante des gorges du Rio Yaga très apprécié des canyonistes. Voir le séjour que propose La Balaguère autour du Mont Perdu.
Les saints et les sorcières ont fait de Tella leur résidence.
Pour atteindre Tella, il faut franchir les Pyrénées au tunnel d’Aragnouet – Bielsa. Commence alors la longue descente sur Ainsa.
La route suit les méandres tourmentés du rio Cinca dont la source se situe au pied de la face nord du Mont Perdu, au fin fond de la vallée de Pineta.
Au fil des temps géologiques, le rio a installé son lit dans une profonde gorge, connue en Aragon sous le nom de « desfilado de las Devotas ». C’était autrefois un passage redouté. Entre les versants enserrés seuls quelques morceaux de ciel bleu se laissent parfois apercevoir. A détour d’un virage, les parois s’évasent. Le village de Tella apparaît subitement au regard, perché sur un piton. Il faut lever la tête et tordre le cou pour l’apercevoir.
Il est de notoriété locale que Tella est le paradis des saints et des sorcières.
Le pueblo a toutes les caractéristiques d’un lieu inspiré par la magie. Ainsi l’atteste la Piedra de Vasar, un dolmen datant du 4° millénaire avant JC, remarquablement conservé. Nombreuses sont les légendes courant à son sujet.
Il en est de même des trois ermitages de Tella. Certainement le christianisme a-t-il « recyclé » à son profit, des sites païens beaucoup plus anciens.
Un agréable sentier les relie. Il décrit une boucle passant successivement par San Juan y Pablo, Nuestra Señora de la Peña et l’ermita de la Virgen de la Fajanilla
San Juan y Pablo au pied du Puntón de las Brujas (sorcières) est le plus photogénique et aussi le plus ancien du trio. On lui attribue une origine préromane.
L’ermita de Nuestra Señora de la Peña date du 16 siècle. Jusqu’à la guerre civile un étrange rite y avait cours. Lors de la célébration du rosaire, 10 brebis étaient sacrifiées et leur viande partagée entre les Tellanos (habitants de Tella).
En contre bas, l’ermita de la Virgen de la Fajanilla est l’ancienne église paroissiale.
La sorcellerie est très répandue en Aragon et notamment à Tella.
Chaque toit possède son « espantabruja », littéralement anti-sorcière, en français antéfixe. L’usage des antéfixes remonte aux Etrusques. Ce n’est pas d’hier ! Sa fonction est de protéger la maison du mauvais sort. Encore aujourd’hui, nul ne se hasarderait à refaire un toit sans installer un « espantabruja » sur le faîte de la toiture. Située au cœur du village, la casa de las brujas (maison des sorcières) mérite une visite.
À Tella, il se raconte que les nuits de Noël, la meilleure mule mourait pendant la messe.
Un habitant se met en embuscade avec un bâton. Peu avant minuit, il surprend un chat noir mordant le plus beau mulet. Il lève son bâton et le frappe. Blessé, le chat noir s’échappe en claudiquant par la porte entrebâillée.
Le lendemain, on voit une méchante vielle femme avec une jambe cassée.
Le crime était signé.
Par Gérard Caubet