Une exception pyrénéenne.
Situé au centre de la chaîne, à l’aplomb de Montréjeau, le Val d’Aran fait figure de territoire d’exception. Longtemps tourné vers la France par les contraintes du relief, il est aujourd’hui un mini pays à lui tout seul avec gouvernement autonome, langue, drapeau et hymne national. Son dynamisme économique n’a pas réellement d’équivalent. Sa capitale Vielha e Mijaran, (littéralement milieu du Val d’Aran), n’est pas plus peuplée qu’un chef-lieu de canton, mais son aura suffit largement à cristalliser la fierté patriotique des aranais.
Le territoire du Val d’aran, plus grand que l’Andorre et le Liechtenstein, comprend 9 communes.
Elles s’égrènent le long de l’ancienne voie romaine du Camin reiau qui reliait Toulouse à Urgell.
Avant le milieu du XX° siècle, c’était une enclave géographique. A sa frontière avec la France, un pincement de la vallée rendait le passage difficile. Le toponyme de « Passus Lupi » (passage des loups) donné à Saint Béat évoque cette difficulté. Il a fait un temps parti de l’évêché de Saint Bertrand de Comminges. Rendu à l’Espagne au moment de la révolution, il attendra le percement du tunnel de Vielha en 1948 pour que les liaisons vers sa mère patrie soient rendues possibles toute l’année.
La « Généralitat de Catalogne », dont il dépend, lui reconnaît une certaine autonomie.
Le « Conselh generau », une vieille institution re toilettée administre 6 circonscriptions appelées « terçons » en référence à une organisation datant du XV° siècle. Son drapeau évoque la croix occitane et son hymne national « Montanhes araneses » est une version inspirée de « Se canto ».
L’aranais, variante de l’occitan, partage avec l’espagnol et le catalan le rang de langue officielle. Mais dans les faits, la population est quadrilingue. Le français est couramment parlé avec une pointe d’accent chantant.
Le tourisme , le ski et … le Ricard sont les mamelles économiques du Val d’Aran.
Mise à part la célèbre boisson anisée, dont le commerce prospère à Bosost, c’est vers Baqueira que converge le maximum d’euros et de devises.
Créé en 1960 sur un modèle alpin, la station n’a cesse de se moderniser et de s’étendre. L’annexion récente de la Bonaigua lui vaut le surnom de « 3B » Baqueira-Beret-Bonaigua. La qualité de son domaine lui permet de jouer sans complexe dans la cour des grands. La neige venue, tout le gratin de la jet set accourt ici planter le bâton. Le roi lui-même y a son rond de serviette. Cette orientation délibérée vers le haut de gamme a suscité un renouveau des villages dans un style traditionnel assez réussi.
L’image de la Garonne « qui trouve sa source à l’œil de Jupiter dans le Val d’Aran » traîne dans tous les manuels scolaires de géographie.
En 1931, le spéléologue Norbert Casteret établit la preuve que la source présumée n’est qu’une résurgence dont les eaux proviennent de l’autre côté de la frontière. A la barbe des carabiniers, il déverse six tonneaux de puissant colorant dans le trou du Toro. Quelques heures plus tard, l’œil de Jupiter se teinte d’une eau « vert fluo ». La preuve est faite. Pour lui, la Garonne prend sa source au glacier des Barrancs au pied de l’Aneto. Elle rejaillit à l’Artiga de Lin après un parcours souterrain de 3,6 km sous la Tuca blanca.
Mais la fierté aranaise refuse cette hypothèse. Peu enclins à abandonner à d’autres les origines de leur fleuve fétiche, les aranais la font naître à « l’Uelh de Garona » au Pla de Beret. Bien que les sources de la « Garonne à Norbert » soient plus hautes en altitude, le cours de « celle de Béret » est plus long et son débit supérieur. A chacun son opinion.
Aujourd’hui le Val d’Aran affiche un dynamise débordant. Le tunnel Alphonse XIII considéré à juste titre comme le plus dangereux des Pyrénées vient d’être doublé par le tunnel Juan Carlos I°. Le bénéfice produit par l’activité ski se lit dans les aménagements et les infrastructures.
Par Gérard Caubet